Arrêtons les fausses polémiques : Green Book est un vrai chef d’œuvre !
Tout – ou presque – a été dit et écrit sur Green Book : sur les routes du Sud. Le lauréat de l’Oscar du Meilleur Film 2019 a été encensé, détesté, adulé, vilipendé, salué, critiqué… et plein d’autres trucs en « -é » ! Mais surtout il n’a pas été épargné. Drôle de destinée, pour ce film que j’ai adoré tant il m’a bouleversé et amusé, malgré un sujet sérieux et dramatique.
Green Book, c’est l’histoire d’un duo improbable. Comme souvent au cinéma, la rencontre de deux êtres que tout oppose, ça fonctionne bien ! D’un côté, Tony Lip, un chauffeur italo-américain, tendance préférence nationale, pas franchement raffiné. De l’autre, le Dr Don Shirley, pianiste noir de renommée internationale, esthète et distingué quoiqu’un peu hautain. Les deux se retrouvent dans la même voiture, à faire une tournée à travers l’Amérique ségrégationniste des années 60. Ambiance.
L’objectif du film est évident : dénoncer le racisme. Et pour moi, le réalisateur vise en plein dans le mille, en montant clairement l’absurdité et le ridicule des théories racistes. Le rire contre l’intolérance, la recette n’est pas nouvelle mais reste très efficace. Sans oublier quelques instants émouvants, mais jamais trop longs car on sent que Peter Farrelly refuse de tomber dans le pathos, quand bien même il respecte ce sujet grave et refuse de minimiser le fléau. Dès qu’une larme pointe le bout de sa goutte, le réalisateur de Mary à tout prix nous balance un petit gag potache afin de redresser l’équilibre lacrymal.
Tout cela me semblait évident… jusqu’à ce que je découvre que Green Book suscite la polémique. Certains disent même que le film va à l’encontre de ce qu’il est censé défendre. What ?!? Les bras m’en sont tombés (ce qui n’est pas très pratique ensuite pour écrire…). Alors j’ai gratté un peu pour savoir ce qu’on pouvait bien reprocher à ce film dans lequel tout est formidable : le propos, la réalisation, le jeu des acteurs, les dialogues…
Il y a d’abord la famille du vrai Don Shirley qui s’est insurgée parce que le film s’affranchissait de la réalité. Des incohérences et des inexactitudes ? Sûrement, ce qui est insupportable de leur point de vue. Mais rappelons un point important : Green Book est une « adaptation ». Une fiction cinématographique comporte toujours son lot d’inventions narratives. Si Peter Farrelly avait voulu faire un récit fidèle, il aurait réalisé un documentaire. Même en romançant, la charge contre le racisme reste prédominante.
Spike Lee, réalisateur afro-américain très engagé, oscarisé également en février pour Blackkklansman, a fait un mini-scandale lorsque Green Book a décroché le prix du Meilleur Film. Ses griefs n’ont pas été exposés ouvertement. Sans doute que le film présente une théorie anti-raciste qui ne correspond pas à son prisme. Je le respecte. Sans doute également qu’il y avait un brin d’aigreur. Le grand Spike est un bon réalisateur, mais un mauvais perdant.
J’ai aussi lu sur les réseaux sociaux, chez des gens dont j’apprécie habituellement les positions pleines d’ouverture, cette critique envers Green Book : ce serait une énième déclinaison dérangeante – et ethnocentrique – du « gentil sauveur blanc ». Pas du tout d’accord ! Personne ne « sauve » personne dans ce film. On a des personnages qui, en se rencontrant, changent de trajectoires. La théorie des boules de billard qui s’entrechoquent, vous connaissez ? Mais aucun des deux personnages n’est présenté comme plus vertueux que l’autre. Le film n’excuse personne, il montre simplement que l’humain est complexe et changeant, parfois par pure ignorance.
En sous-texte, il est même reproché à Peter Farrelly de reprendre à son compte un sujet qu’il n’a jamais vraiment vécu dans sa chair. Comme si un réalisateur WASP – c’est-à-dire blanc – ne pouvait pas avoir un avis pertinent sur le racisme contre les noirs. Au contraire ! Réjouissons-nous de voir des non-victimes de discriminations prendre la défense des victimes elles-mêmes. Nous aurons gagné le jour où le ministre des droits des femmes sera un homme. Nous aurons gagné le jour où des personnalités hétéros prendront la tête du cortège de la gay pride. Et nous gagnons lorsqu’un WASP défend les droits des afro-américains. Le racisme est une abomination que Green Book combat magistralement. C’est un grand film que je vous recommande. Et en plus, il est toujours à l’affiche !
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