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17 Mar

Grâce à Dieu, François Ozon fait du cinéma

Publié par Romain Duchez  - Catégories :  #Critiques 2019

Grâce à Dieu, François Ozon fait du cinéma

Il est l’un de mes réalisateurs préférés. Dans ses outrances décalées comme 8 Femmes ou Potiche. Dans ses drames humanistes comme Le temps qui reste ou 5x2. Dans ses névroses inquiétantes comme Dans la maison ou Swimming pool. J’aime toutes les touches et toutes les couches d’Ozon. Même ses films moins puissants, je les apprécie. Chaque fois qu’il braque son objectif sur un personnage, il parvient à capter ses failles et ses parts d’ombre. Toujours avec tendresse, jamais dans le jugement. S’il fallait un mot pour résumer le cinéma de François Ozon ? Humain.

Tous les ans (ou tous les deux ans), le réalisateur sort un nouveau long-métrage. Comme un métronome. A la manière d’un Woody Allen ou d’un Claude Chabrol. Inévitablement, certains crus sont moins marquants que d’autres. Grâce à Dieu est un excellent millésime. Je parlerais même d’instant de grâce. A Dieu.

Ce n’est pas une réalisation, c’est une démonstration. Dans ce seul et même film, Ozon nous montre qu’il maîtrise tous les genres. Il débute avec Melvil Poupaud sous la forme d’un journal intime filmé. Poursuit avec Denis Ménochet au rythme d’un thriller judiciaire. Puis conclut en mode drame social avec Swann Arlaud et Josiane Balasko – les deux prestations qui m’ont le plus ému.

Grâce à Dieu, François Ozon fait du cinéma

Mais au fait, de quoi ça parle Grâce à Dieu ? Je me suis lancé dans mon hommage lyrique sans même vous résumer l’histoire. Je sais que vous pourriez aller sur AlloCiné, mais je vais quand même faire ce petit effort de synthèse : ce film, inspiré de faits réels, raconte le combat mené par des victimes d’un prêtre pédophile récidiviste (le père Preynat pour le nommer). En montant une association « La Parole Libérée », ils se sont mis en tête de faire condamner leur bourreau, et l’institution qui a mis un voile sur ses agissements : l’Eglise.

Malgré le propos et les nombreuses retombées médiatiques, je ne vois pas Grâce à Dieu comme un film militant et revendicatif. Fidèle à son habitude, François Ozon s’est intéressé à la dimension humaine de cette histoire. Les personnages aux caractères et aux horizons différents ont un dénominateur commun : le processus difficile de résilience. Le réalisateur ne s’attarde pas sur les horreurs commises (sa caméra ne passe jamais la porte d’entrée) mais plutôt sur la tentative de les surpasser. Chaque personnage guérit ses blessures à sa façon. Il y a ceux qui parlent, ceux qui se taisent, ceux qui réclament justice, ceux qui pleurent dans l’anonymat, ceux qui vivent, ceux qui survivent…

Crédit photos : © Mars Films

Crédit photos : © Mars Films

François Ozon rend hommage à toutes ces victimes. Et il en profite pour questionner la religion. Quel Dieu autorise ce genre d’actes ? Et accepte que l’on couvre les auteurs de ces barbaries ? Lorsqu’un enfant demande à son père, ancienne victime du père Preynat : « Tu crois encore en Dieu ? » Le silence qui suit en dit long.

Grâce à Dieu est une œuvre qui compte, et qui comptera, dans la longue filmographie de François Ozon. Déjà lauréat de l’Ours d’argent au dernier festival de Berlin. Je ne serai pas surpris si le film est multi-nommés aux Césars l’an prochain. Et pourquoi pas ENFIN la statuette dorée pour Ozon ? C’est tout le mal que je lui souhaite.

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