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06 Feb

Festival du court-métrage de Clermont : la journée particulière d'un spectateur

Publié par Romain Duchez  - Catégories :  #Evénements

L'avantage avec le cinéma, c'est que l'on peut prendre du plaisir quelle que soit la grandeur. Parfois, 5 courts-métrages valent mieux qu'un long. C'est ce que nous démontre le Festival international de Clermont-Fd depuis le 30 janvier et jusqu'au 7 février. Malgré un emploi du temps chargé (poney-club, piscine, macramé...), j'ai réussi à me frayer un chemin jusqu'en Auvergne, bravant même la neige, pour aller voir quelques courts. Vis ma vie de festivalier.

Festival du court-métrage de Clermont : la journée particulière d'un spectateur

13h47. Arrivée quartier des Salins, le cœur névralgique du estival. Oui je sais, c'est un peu tard (on croirait le sketch des Inconnus à l'hôpital), mais le festivalier n'est pas un lève-tôt. Je suis en retard pour changer. Heureusement, ma copine Katinka*, elle, était à l'heure. Je peux la rejoindre directement dans la file d'attente, en grillant la priorité à des dizaines de spectateurs qui me fixent du regard ; je sens les envies de meurtre chez certains. Tant pis pour eux, l'année prochaine ils feront pareil. (*le prénom a été changé en vertu du respect de la vie privée).

13h48. Ils sont pas un peu relou les élèves de Seconde B tout autour de nous ? Et ça parle fort, et ça bouscule... Je vais les renvoyer en cours d'anglais renforcé s'ils continuent.

13h52. On entre dans la salle. Depuis 2005, je venais au Festival en tant que journaliste, avec mon badge presse. Cette année, c'est en simple spectateur que je viens voir des courts-métrages. Je tends mon ticket. Le bénévole arrache le talon. Me voilà comptabilisé parmi les dizaines de milliers d'entrées.

Festival du court-métrage de Clermont : la journée particulière d'un spectateur

13h59. La séance va bientôt démarrer. Installé dans mon fauteuil rouge tout confort, je scanne l'assemblée pour repérer d'éventuelles têtes connues. Avec ma copine Katinka, on aime bien se moquer. Un anorak aux couleurs disgracieuses, une coupe de cheveux venue des années 80, l'accent anglais approximatif de la présentatrice... On ne laisse rien passer.

14h03. La lumière s'éteint. Une fois le clip de présentation du festival et la pub Nikon diffusés, place au court-métrage. Place au grand cinéma.

Festival du court-métrage de Clermont : la journée particulière d'un spectateur

14h05. Le programme I11 commence... Dans la joie et la bonne humeur ! Direction l'Afrique du Sud, où un chauffeur de taxi s'inquiète pour sa fiancée prostituée enceinte. S'ensuit un documentaire expérimental sur la ville aveyronnaise de Salers. Puis une famille en deuil se ressoude lors d'un enterrement au Japon.

14h43. Le film japonais a eu raison de mon éveil. Je m'enfonce tranquillement dans mon siège, je ferme les yeux, et me voilà parti pour une micro-sieste. Bien sûr, Katinka m'a repéré et elle se foutra de ma gueule à la fin du film. Il faut dire que le cinéma asiatique peut être très chiant, avec des mouvements de caméra qui ne finissent jamais et des personnages qui parlent très peu.

15h00. Heureusement, un réalisateur anglais vient me sauver. Avec un superbe film d'animation sur les tueurs de baleine. Trois couleurs (blanc, noir et bleu nuit) suffisent à faire une œuvre flamboyante. Autre moment fort, El correador : un film espagnol qui nous fait courir en racontant un jeu de dupe où deux travailleurs s'affrontent, sur fond de crise économique. L'environnement et l'emploi, ou comment comprendre le monde à travers des petites histoires simples.

15h50. Séance terminée. On enchaîne ? Pas la moindre hésitation. On repart pour deux heures de projection avec ma copine Katinka. Des vrais aventuriers du court. Vite, on sort de la salle - non sans pousser le mec en bout de rangée qui met trois heures à enfiler sa veste - et on court se remettre dans la file d'attente. Cette fois-ci, on sera au balcon où il y a moins de monde.

15h52. Katinka, d'un coup de coude très discret, me démonte les côtes. Elle insiste. C'est pour me faire remarquer Abd Al Malik qui passe juste à côté de nous. Il a l'air sympa à gambader dans les allées de la Maison de la culture, avec son badge de "Jury national" autour du cou. On n'est pas des relous avec Katinka, on ne va pas lui demander un selfie. Je préfère faire cela avec Lorie lors d'une soirée "La France à un incroyable talent" (oui, je l'ai fait...).

Festival du court-métrage de Clermont : la journée particulière d'un spectateur

16h03. Et c'est parti pour le programme F11. En général, les films français c'est la déprime totale avec des sujets glauques tournés dans des décors dévastés, si possible dans le Nord en plein brouillard ou sous la pluie. Là, je dois dire qu'on n'est pas déçu. Lors de cette séance, on peut voir : un prof habillé en femme sodomiser un ancien élève dans un parking souterrain, des personnages d'animation aux moustaches rousses entrer dans des vagins géants, des loosers trafiquer du cannabis pour participer à un concours de DJ en Hollande. C'est la fête au village comme chantait le regretté Framboisier.

16h45. Je préfère quitter la salle avant la fin du dernier film. Franchement pas passionnante cette rencontre entre un mec barbu et une finlandaise qui imite le cri du lion. Il est temps d'aller faire une pause.

18h13. Un coca et un jus de fruit, s'il vous plaît ! Avec Katinka, on a besoin d'étancher notre soif après avoir été abreuvé d'images. On s'installe dans le troquet le plus proche de la salle de projection, l'Univers. C'est l'occasion de débriefer les films qu'on a bien aimés et ceux qu'on a détestés. On est globalement d'accord, il n'y aura pas de débat houleux.

18h36. L'équipe d'un film, qu'on vient de descendre, entre dans le bar. Et s'installe juste derrière nous. Allez, on va leur dire que leur court-métrage est pourri ? Ben non, on est beaucoup trop hypocrites et surtout pas assez courageux pour le faire. C'est drôle de voir en vrai des gens qu'on vient de regarder sur écran géant. Il y a toujours un petit décalage, comme si ce n'était pas vraiment eux. Voilà tout le charme du festival clermontois. Les spectateurs et les comédiens se côtoient, assez simplement. Rien à voir avec Cannes, ses starlettes et ses barrières de sécurité.

Festival du court-métrage de Clermont : la journée particulière d'un spectateur

19h00. Après la soif, la faim se fait sentir. Yvonnick*, le petit-ami de Katinka nous a rejoints. Il fait trop froid pour s'aventurer dans l'un des foodtrucks installés près de la Maison de la culture. On décide de rester au chaud, quitte à manger un plat beaucoup moins bobo : une fricassée de poulet au citron avec des frites et une crème brûlée. Manger léger fait aussi partie des must-do au Festival du court-métrage de Clermont.

Festival du court-métrage de Clermont : la journée particulière d'un spectateur

19h45. Retour dans la file d'attente. Ah, un ancien stagiaire devenu technicien cinéma. Il me parle de son prochain tournage à Super-Besse avec l'actrice Alice Taglioni. Oh, une chargée de com' avec qui j'avais l'habitude de travailler. On se met à discuter de la réforme territoriale et de la future région Rhône-Alpes-Auvergne. Eh, une ancienne collègue passe pas loin. On s'appelle et on se fait une séance ensemble demain ? OK. On ne s'ennuie jamais dans la queue. Et quand on ne croise personne, il suffit juste d'écouter les conversations.

Festival du court-métrage de Clermont : la journée particulière d'un spectateur

19h57. Ben il est où Bernard Ménez ? Il vient chaque année au festival en tant qu'administrateur de l'ADAMI (une structure qui gère les droits des artistes). On ne l'a pas encore vu. Woh oh oh, jolie poupée, sur mon doigt coupé. C'est un réflexe pavlovien, dès qu'on me parle de Bernard Menez, je chante ce petit refrain.

19h59. Ouf, la rubrique people est assurée par la présence des Panthères. Deux femmes, la mère et la fille, habillées en léopard qui aiment passer et repasser au pied des gradins pour se faire remarquer. Que le temps est cruel. Chaque année on se dit la même chose : "putain, elles ont pris un sacré coup de pelle !". Mais chaque année elles sont là. Comme un gimmick démodé que l'on aime retrouver pour pouvoir se moquer. Eh oui, encore un sujet de raillerie pour Katinka et moi.

Festival du court-métrage de Clermont : la journée particulière d'un spectateur

20h08. Début de la projection. Une nouvelle séance française. Sans doute sponsorisée par la MGEN étant donné les thématiques traitées. Le premier est un docu-fiction (enfin un reportage radio mis en images avec des collages et de la gouache) sur la difficulté d'être enseignant en banlieue. Et le deuxième nous montre deux enfants qui font l'école buissonnière, pour utiliser une expression très moderne.

21h01. Horreur. L'acteur qui était habillé en femme tout à l'heure dans un parking se retrouve une nouvelle fois avec une perruque, mais ici pour faire du karaoké. J'imagine sa tête dès qu'il a lu le scénario : "Oh non, il va ENCORE falloir que je mettre une robe. Font chier ces jeunes réalisateurs névrosés !".

21h30. Un excellent film pour clore cette journée de projection. Guy Moquet ou l'apprentissage difficile de l'amour et des sentiments dans la rudesse de la banlieue. Rouler une pelle, parfois, peut devenir un acte politique.

22h16. On sort de la Maison de la culture. Il neige ! En même temps, un festival du court sans flocon, c'est comme un film sans émotion : fade. Katinka et Yvonnick préfèrent rentrer chez eux. Moi je vais aller traîner du côté de l'Electric Palace. Un chapiteau temporaire dans lequel s'animent les soirées du festival. Le top pour les cinéphiles qui s'y retrouvent pour boire une bière, l'horreur pour les riverains qui ne peuvent pas dormir avec cette musique de zazous qui résonne.

Festival du court-métrage de Clermont : la journée particulière d'un spectateur

22h35. Difficile d'atteindre le bar. L'endroit est exigu et les manteaux d'hiver prennent beaucoup de place. J'arrive finalement à attraper un demi de bière blonde. Et là je tombe sur un confrère journaliste. Tu vas bien ? Qu'est-ce que tu deviens ? Il me parle de son nouveau court-métrage qu'il compte présenter l'an prochain aux sélectionneurs du Festival. Je suis admiratif de voir des gens réaliser des films avec peu de moyens mais beaucoup d'imagination. Son film parle d'un mec qui se perd dans un fichier Excel. Un peu geek comme sujet, mais prometteur. J'espère le voir, pourquoi pas en sélection l'an prochain.

22h56. La musique résonne sous le chapiteau. Des airs pop rock plutôt agréables à écouter. Donner leur chance à de jeunes groupes, ça aussi c'est l'esprit du festival clermontois.

23h10. Je me suis rapproché de la scène. Et là je croise un ancien pote de mon ciné-club universitaire. C'est l'occasion de parler de la programmation du festival. Il a vu toutes les séances ou presque. Je lui demande quelques conseils pour la journée de demain. Toujours se fier à la rumeur au festival, elle est souvent fiable.

23h25. Zut. Je n'ai pas croisé les Panthères. J'aurais bien fait un selfie second degré pour illustrer mon article. Tant pis, je vais prendre en photo ma bière.

Festival du court-métrage de Clermont : la journée particulière d'un spectateur

23h30. Ma bière est terminée. Il est temps de rentrer. Surtout que demain, j'ai un film indien de 30 minutes à voir, je vais m'endormir si je suis fatigué. Très content de cette journée. J'ai voyagé tout autour du monde, vu des histoires extras et ordinaires, retrouvé mes petites habitudes de festivalier. Une dernière photo. L'affiche de l'événement dans un paysage urbain enneigé. Vivement demain. Vivement l'année prochaine. Vivement les éditions suivantes.

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