Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
16 Nov

Denis Lavant court toujours

Publié par Romain Duchez  - Catégories :  #Rencontre, #Personnalités

C'est un acteur à part dans le cinéma français. Une gueule burinée qui imprime la pellicule comme personne. Il est l'égérie de Leos Carax, il a tourné avec Jeunet, Gondry, Lelouch et Chéreau. Il pourrait se contenter de faire des longs-métrages, pourtant il revient régulièrement au court. Denis Lavant était l'invité d'honneur du 35ème Festival du film court de Villeurbanne*. J'ai pu le rencontrer, à sa sortie de table, après la poire et le fromage. Dandy sombre, coiffé d'un borsalino, l'œil rivé sur sa montre gousset. Il m'a parlé de sa passion pour le court-métrage et de son envie d'aider les jeunes réalisateurs. Avec pour maître mot, la cohérence.

© Romain Duchez / moncahieramoi.over-blog.com

© Romain Duchez / moncahieramoi.over-blog.com

Qu'est-ce qui vous plaît dans le fait de lancer un festival de court-métrage comme celui de Villeurbanne ?

Je me sens concerné par les court-métrages. J’en ai fait très tôt, c’est un exercice qui me plaît. C’est important qu’il y ait des gens qui fassent des courts-métrages, c’est aussi honorable que les longs. Comme l’exercice de la nouvelle en littérature, ce n'est pas facile d’écrire une histoire cohérente. C’est une sorte d’engagement, y’a un allant, un enthousiasme pour aller au charbon, souvent avec des petits moyens. Et puis, ça permet d'accompagner des jeunes cinéastes, souvent. Moi j’aime beaucoup ça. Je ne saurais même pas dire combien j'ai fait de courts-métrages. Y’a des années où j’en fais énormément. Et puis je ne vois pas tout, ils ne sont pas tous finis ou diffusés.

Vous qui avez fait des longs-métrages avec des grands réalisateurs, pourquoi continuer à faire des courts-métrages ?

Parce que je ne suis pas dans une échelle de valeurs (rires). C’est la même attitude qui me fait jouer au cinéma avec des grands cinéastes et puis revenir au théâtre avec un rapport plus « forain ». Je peux me le permettre. Ça s’équilibre. Ce n’est pas avec des courts-métrages que je vais vivre mais le fait de pouvoir être dans des productions cohérentes, cela permet de donner la main à des cinéastes en herbe, et d'y prendre plaisir. C’est ça la liberté, de pouvoir naviguer dans le métier.

Vous parlez de liberté. Mais avez-vous le sentiment de prendre des risques quand vous tournez avec des jeunes réalisateurs ? Ils peuvent être impressionnés...

Non, au contraire ! Je ne vois pas de quels risques vous parlez. C’est un métier de rencontres, si on se cantonne aux gens connus et reconnus, c’est limité. Le renouvellement se fait aussi par la base. Souvent je rencontre chez ces jeunes cinéastes, qui ne sont pas forcément impressionnables, une vraie exigence de jeu. Ils sont parfois moins complaisants que des gens confirmés.

© Romain Duchez / moncahieramoi.over-blog.com

© Romain Duchez / moncahieramoi.over-blog.com

Etes-vous d'accord pour dire que le court-métrage est plus audacieux que le long ?

Je ne sais pas si on peut dire qu’il est plus audacieux… Y’a toutes sortes de choses dans les courts : des œuvres « à la manière de », des cartes de visite, de la blague Carambar, de l’expérimental psychédélique... C’est tous azimuts! Il y a des courts qui ne m’intéressent pas parce que je n’aime pas le sujet, je ne dis pas amen à toutes les propositions. Comme pour un long-métrage ou une pièce de théâtre, il faut être séduit par une histoire, un personnage, un contexte ou un réalisateur. Certaines choses s’acceptent sur un coup de téléphone. Par exemple, pour Waster**, Philippe Prouff m’a appelé : « voilà, ça parle du mythe de Sisyphe et ça va se passer sur les îles d'Aran ». Ben j’ai dit d’accord ! J’étais déjà enthousiaste avant même de rencontrer le type.

La première fois que vous avez joué dans un court-métrage, c'était en 1983 : Paris Ficelle réalisé par Laurence Ferreira Barbosa. Quel souvenir vous gardez de ce tournage ?

Je n’étais pas familier avec la caméra, le tournage, la dynamique de jeu... Ce n’était pas confortable. Mais en même temps il y avait une atmosphère. Dans le scénario, des petites choses poétiques me plaisaient bien. Cela se passait à Paris, c'était prémonitoire, sur le pont Alexandre 3, là où commence Holy Motors***. Je pense que Leos [Cara] l’avait vu avant de m’enrôler dans sa filmographie, avec notre première collaboration Boy meets girl.

Qu'est-ce qui est le plus dur : tourner avec un jeune réalisateur ou avec Leos Carax ?

Des fois, c’est aussi délicat ! Boy meets girls n’était pas le film plus ardu qu’on ait fait ensemble. C’était presque une prise de contact de deux univers. Ce n’était pas une partition aussi périlleuse que sur Mauvais Sang, il n'y avait pas des enjeux physiques ou acrobatiques extraordinaires.

Vous regrettez qu'il n'y ait plus de courts-métrages au cinéma, diffusés juste avant les longs ?

C’est important que ces courts puissent profiter du grand écran, qu’ils ne soient pas cantonnés à des festivals. Ça valoriserait ce mode-là, cela encouragerait des cinéastes confirmés à revenir à cette forme-là… si ils en sont capables!

* Une "carte blanche" lui était offerte pour la soirée d'ouverture du festival le vendredi 14 novembre.

** Waster est un court-métrage de 2011 réalisé par Philippe Prouff. Denis Lavant joue le rôle d'un roi sans royaume échoué sur une île.

*** Holy Motors est sorti en salle en 2013. Denis Lavant tournait pour la 5ème fois de sa carrière sous la direction de Leos Carax.

Commenter cet article

Archives

À propos

Le blog de Romain Duchez