Elle l'adore ✔✔

Polar décalé de Jeanne Herry (France)

Et dire qu'autrefois je détestais Sandrine Kiberlain, viscéralement. Rien que l'évocation de son nom et de ses films d'auteur m'irritait. Mais ça, c'était avant que je prenne conscience de son talent. Aujourd'hui, je l'adore. Qu'elle me fasse rire dans Neuf mois ferme ou qu'elle m'émeuve dans Mademoiselle Chambon, cette godiche (comme elle se surnomme elle-même) joue toujours juste. Nouvelle démonstration dans Elle l'adore. La comédienne est remarquable en groupie du chanteur Laurent Lafitte, chargée de faire disparaître un corps pour aider son idole.

Si je vous parle de Sandrine Kiberlain, c'est parce qu'elle représente pour moi l'attrait majeur de ce film. C'est elle qui porte l'histoire sur ses frêles épaules. Ingénue, mythomane, imaginative, coriace : pas évident d'être tout cela à la fois. Mais elle y parvient. Notamment dans une scène de garde à vue surréaliste où son personnage retourne le cerveau des policiers en délirant sur le supposé peigne de Tina Turner. Un grand moment.

© StudioCanal

Le film joue sur deux tableaux : la comédie et le polar. Sans vraiment choisir un camp. La réalisatrice, lors d'une avant-première récemment à Lyon, tentait de définir son œuvre comme un "polar rigolo". Jolie formule, qui traduit malheureusement un inconfort pour le spectateur, dont le fessier reste coincé entre deux strapontins. Par moment, on sent la salle désarçonnée, en pleine hésitation. Faut-il rire? Faut-il garder un air grave? Sachant que les scènes ne sont ni totalement hilarantes, ni complètement effrayantes. On est quelque part entre les deux.

Elle l'adore se laisse regarder; sans le moindre sentiment d'ennui. La construction narrative est intelligente (malgré les digressions pour évoquer la vie privée des policiers). Les pièces du puzzle se mettent en place progressivement. Le jeune Jeanne Herry, pour son premier film, livre une copie très propre. J'ai simplement l'impression d'avoir vu un excellent téléfilm policier, plutôt qu'un grand polar cinématographique.