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31 Jul

Elle avait des bagues à chaque doigt... Adieu Mademoiselle Moreau...

Publié par Romain Duchez  - Catégories :  #Personnalités, #Humeurs

Elle avait des bagues à chaque doigt... Adieu Mademoiselle Moreau...

C'est mon collègue de bureau qui m'a appris la nouvelle ce matin : « Alerte info : Jeanne Moreau est décédée ! » Sur le coup je ne réalise pas trop et je poursuis la rédaction du mail que j'avais commencé. Puis je m'arrête. Putain, Jeanne Moreau est morte ! On va encore revoir sur toutes les chaînes infos les images de cette cérémonie, à Cannes, où Vanessa Paradis chantait Le tourbillon de la vie sous les yeux de la grande dame du cinéma français. C'est la première image qui me revient en tête. Ce duo musical, comme une transmission entre deux générations d'actrices-chanteuses, réunies par la même caractéristique : un brin de voix unique.

Mais Jeanne Moreau, ce n'est pas seulement cet instant gravé dans nos mémoires cathodiques. Mademoiselle Moreau, c'est surtout une filmographie unique. L'actrice a traversé les âges et les modes. D'Orson Welles à François Ozon, en passant par Louis Malle, François Truffaut et Luis Bunuel. Elle a même tourné avec Josée Dayan, la reine du téléfilm façon TF1, c'est dire l'écclectisme de la demoiselle du 7ème art. Elle a donné la réplique à Gérard Philippe et failli joué dans la série Urgences, avant de quitter le tournage au dernier moment sur un coup de tête. Sa biographie se compose de plusieurs vies en une seule.

Je ne vais pas raconter sa filmographie complète. D'abord, parce que je suis un peu fainéant. Et surtout, parce que les cinéphiles spécialisés le feront beaucoup mieux que moi. Moi je n'ai même pas vu Jules et Jim ! En revanche, j'ai vu son navet intitulé Un amour de sorcière. Un peu short pour écrire un long papier dithyrambique sur son emprunte laissée dans l'histoire du cinéma français... J'ai simplement envie de lui rendre hommage en me remémorant les images fortes que je retiendrai d'elle et que je raconterai, plus tard, aux générations d'après.

Elle avait des bagues à chaque doigt... Adieu Mademoiselle Moreau...

Il y a d'abord cette image, en noir et blanc, d'une femme seule qui erre dans les rues. Tourmentée. Au rythme de la trompette de Miles Davis. Son amant vient d'assassiner son patron. Et le voilà coincé sur les lieux du crime, dans un Ascenseur pour l'échafaud. Le film est signé Louis Malle. Je l'ai découvert tard (ben oui, malgré mon grand âge, je n'étais pas né au moment de la sortie en salle de ce film). Merci le ciné-club de ma fac (Ciné Fac à Clermont-Fd) de m'avoir permis de découvrir ce bijou, en 35 millimètres. C'est un film culte tant pour la performance de Jeanne Moreau que pour la partition de Miles Davis.

Dans un registre beaucoup plus confidentiel, je retiens également de Jeanne Moreau son second rôle très émouvant dans un film de François Ozon de 2005. Le temps qui reste. L'histoire d'un jeune homme, Melvil Poupaud, qui n'a plus que quelques mois à vivre et qui vient trouver du réconfort chez sa grand-mère aimante et tolérante, jouée par Jeanne Moreau. Tout un symbole. Car Jeanne Moreau était devenue la grand-mère aimante et tolérante du cinéma français, qui donnait leur chance aux jeunes talents et défendait des idées progressistes.

Elle avait des bagues à chaque doigt... Adieu Mademoiselle Moreau...

Au-delà des images, Jeanne Moreau c'était aussi une voix. D'abord douce et musicale à l'époque où elle interprétait J'ai la mémoire qui flanche et Le tourbillon de la vie, puis rauque et rugueuse sous l'effet du temps qui passe (et des Gitane maïs ?!). Vous coupiez la lumière, il y avait de quoi faire fuir des enfants. Sa voix éraillée avait quelque chose de robotique et d'effrayant à la première écoute, puis de familier et de rassurant avec l'habitude. Le timbre de Jeanne Moreau était unique, l'un des plus marquants du cinéma français. Elle a même eu l'honneur (ou pas) d'être brocardée régulièrement par Laurent Gerra.

Jeanne, quand on y réfléchit : quel prénom de star ! Jeanne d'Arc, Jeanne Moreau, Jeanne Balibar, Jeanne Mas... et même Jeanne et Serge. Laurent Voulzy a aussi chanté Jeanne. Ce prénom est inspirant visiblement. Tout comme à pu l'être Mademoiselle Moreau pour tous les réalisateurs qu'elle a croisés. Lu dans l'une des innombrables nécrologies parues depuis hier, Orson Welles disait qu'elle était « la meilleure actrice du monde ». C'est pour moi une icône. Le symbole de l'actrice qui a su vieillir sans chercher à lutter vainement contre le temps. Malheureusement le temps a fini par la rattraper. Mais son talent est entré dans l'éternité. « Tout ce que je sais, c'est que depuis, je ne sais plus qui je suis. » Et c'est à ce moment-là que mon téléphone pro a sonné, et qu'il a fallu recommencer à travailler !

Elle avait des bagues à chaque doigt... Adieu Mademoiselle Moreau...
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