Le grand soir
Benoît Poelvoorde, habillé en punk, qui insulte les clients d'un hypermarché. Albert Dupontel qui fout le bordel dans un magasin de literie. Brigitte Fontaine qui hurle "conne" dans un restaurant La pataterie. Pas de doute, on est bien dans l'univers déjanté de Kervern et Delépine. Les deux Grolandais proposent ici une nouvelle facette de leur cinéma trash anti-capitaliste, avec le portrait de deux frères qui décident de faire la révolution dans une zone commerciale. Comme si aujourd'hui, pour être un rebelle, il fallait s'attaquer à Castorama, La halle aux chaussures et Buffalo grill. Pour autant, le film ne tombe pas dans l'idéologie aveugle. Les deux réalisateurs prennent du recul et constatent que le communisme ne fait plus rêver les foules de consommateurs que nous sommes. "Mais où sont les gens ? Ils ne sont plus dans les usines, ils ne sont plus à la campagne, ils ne sont plus dans les églises..." constate Dupontel. "Ils sont chez eux, et ils sont seuls", répond Poelvoorde, désabusé. Le scénario est peut-être un peu moins abouti que Louise-Michel ou Mammuth, malgré tout Kervern et Delépine posent les bonnes questions. Avec un esthétisme du cadre toujours aussi soigné. Un seul plan fixe peut raconter plusieurs histoires en même temps ; et pas besoin de faire appel au contre-champ, le champ se suffit à lui-même. Les Grolandais prouvent qu'ils ont parfaitement digéré l'humour télé, pour en restituer le meilleur au cinéma sous la forme de vannes corrosives et de gags percutants. A l'arrivée, on se demande comment les gérants de La pataterie ont pu accepter que l'on égratigne à ce point leur image. Peut-être n'ont-ils pas lu le scénario avant. Ou alors les capitalistes ont beaucoup plus d'auto-dérision qu'on ne croit...
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