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16 Jul

Bonne lecture pour l'été : Sélection officielle, le journal de Thierry Frémaux

Publié par Romain Duchez  - Catégories :  #Humeurs, #Personnalités

Vous aimez le cinéma ? Les coulisses des grands événements ? La ville de Lyon ? Alors vous adorerez le journal de bord du directeur délégué du Festival de Cannes et directeur de l'Institut Lumière de Lyon. Thierry Frémaux nous embarque dans son quotidien. Malgré deux petits bémols que j'évoque à la fin de cet article, j'ai été emballé par ce road-movie littéraire. Un récit passionnant pour le fan de cinéma que je suis. 

Bonne lecture pour l'été : Sélection officielle, le journal de Thierry Frémaux

Un journal de bord bien rempli

Ma littérature d'été se résume souvent à des polars. Soit des meurtres à l'ancienne façon Agatha Christie, soit des horreurs glacées venues de Scandinavie. Sélection officielle est une entorse à ma règle. Pas d'histoire macabre, pas de scène de crime, pas de disparition inquiétante. Thierry Frémaux nous raconte son quotidien hors du commun. C'est un journal, de bord, pas intime, qui nous plonge dans le quotidien d'une figure cinéma français et international. 

Le principe du journal ne sied pas à tout le monde. Encore faut-il avoir des choses intéressantes à raconter chaque jour. C'est le cas pour Thierry Frémaux. Quelle vie ! Une seule année lui suffit à écrire 616 pages, et encore, on peut supposer que le manque de temps, et peut-être la pression de l'éditeur, lui ont interdit de disserter davantage. J'ai bien regardé, entre le lundi 25 mai 2015 quand démarre le livre et le dimanche 22 mai 2016 quand il s'achève, pas un seul jour ne manque au compteur. A l'inverse, on imagine mal le journal de bord de Eve Angeli dépasser les 20 pages. 

Un texto de Martin Scorcese... et plein d'autres choses !

Thierry Frémaux a toujours quelque chose à dire, et à nous faire lire. Un texto envoyé par Martin Scorcese, un dîner avec Costa-Gavras, une projection personnelle organisée par Steven Spielberg, une soirée avec Iggy Pop à parler de Joe Dassin... Ou ce soir à Lyon où Johnny (LE Johnny, celui qui allume le feu et s'enchaîne à Gabrielle) s'invite à sa table alors qu'il doit manger avec le musicien Yarol Poupaud. Attention, ce n'est pas parce qu'il côtoie des monstres sacrés, que Thierry Frémaux a une vie plus intéressante que les autres. Avouez quand même qu'elle est au moins plus atypique et qu'elle mérite bien d'être racontée. Il est tellement loin de nos réalités. Quand il ne déjeune pas avec une actrice, il prend l'apéro avec un réalisateur ; quand il n'est pas à Cannes ou à Lyon, il voyage à Buenos Aires et Los Angeles. Moi si je vous raconte mes trajets en tram T3 et mes déjeuners au break-point avec mes collègues, vous allez vous ennuyer ferme !

Bonne lecture pour l'été : Sélection officielle, le journal de Thierry Frémaux

L'inconvénient d'un journal, et Thierry Frémaux n'échappe pas à cet écueil, c'est d'exclure par instant le lecteur. L'auteur, pris par son quotidien et sa passion, peut citer des collègues inconnus du grand public ou des anecdotes très précises qui nous éloignent. Quand j'étais plus jeune, j'aurais crié avec une voix en pleine mue : « Ouais c'est bon 3615 ta life, on s'en fout ! ». Oui, j'étais un rebelle de la société. Mais ces petites digressions sont suffisamment rares pour être acceptables. Les 99% du livre restent passionnants pour les lecteurs extérieurs. 

Dans les coulisses du cinéma, à 200 à l'heure

Ce qui est formidable dans cette Sélection officielle, c'est le rythme effréné dans lequel nous entraîne Thierry Frémaux. Il vit à 200 à l'heure, voir même plus lorsqu'il est installé dans le TGV Lyon-Paris (son bureau mobile). En quelques pages, il vous fait changer de pays, changer de festival, changer d'interlocuteur. C'est intense ! Mais comment fait-il ? Ses dimanches dans la campagne iséroise et ses longs trajets à vélo dans le centre de Lyon semblent tellement éphémères. Cet homme n'est jamais chez lui. Il le constate de manière émouvante lorsqu'il évoque le passage de son fils à l'hôpital, de loin, avec un brin d'impuissance.

L'intérêt principal de ce livre est cinématographique. Il ne pouvait en être autrement avec un tel titre. Cette Sélection officielle est une plongée dans l'envers du décor, lorsque les caméras sont éteintes. Comme il est passionnant de suivre la construction, pas à pas, de la programmation du Festival. Avec cette nuance apportée par Thierry Frémaux : « la Sélection officielle consacrait, la Semaine [de la critique] découvrait et la Quinzaine [des réalisateurs] étonnait. » On se rend compte qu'organiser le Festival de Cannes c'est comme organiser son anniversaire. Les mêmes galères. Sauf que les invités sont des stars, que le buffet n'est pas acheté via un drive à Carrefour Market et que le cadeau est une sculpture en or.

Bonne lecture pour l'été : Sélection officielle, le journal de Thierry Frémaux

L'art délicat de sélectionner un film

Chaque année, il est reproché au Festival de Cannes de mettre en compétition les habitués : Dardenne, Haneke, Kar-Waï, Audiard and co. Une critique tarte à la crème pour Thierry Frémaux. Evidemment qu'il faut mélanger des pointures et des jeunes pousses pour que la mayonnaise cannoise prenne. D'accord Thierry. Mais on découvre dans ce livre que certains sont malheureusement sélectionnés uniquement sur leur nom. C'est le cas pour Sean Penn. « J'ai confirmé à Sean que son film était pris en compétition. J'ai rien revu mais je fais confiance au réalisateur de The indian Runner et Into the Wild. Premier film américain sélectionné donc. » Thierry Frémaux s'en mordra les doigts car le film sera très mal accueilli à Cannes. Comme quoi l'auteur est absolument transparent !

Ce qui est inédit pour moi, et que les journalistes de BFMTV sont incapables de raconter, c'est la manière dont les films sont choisis. Thierry Frémaux raconte tous ses questionnements et toutes ses hésitations. Il fait une jolie comparaison entre le fait d'annoncer à un réalisateur que son film n'est pas retenu et le fait d'annoncer à une personne aimée qu'on la quitte. Je suis également très surpris de découvrir la compétition féroce que se livrent les différents festivals pour avoir tel ou tel film dans leur programmation. Berlin, Cannes et Venise sont loin d'être des villes amies ! Il n'y pas que les entreprises du CAC40 qui se tirent la bourre.

Bonne lecture pour l'été : Sélection officielle, le journal de Thierry Frémaux

Only Lyon

Mais Thierry Frémaux ne parle pas que de Cannes. Il est également beaucoup question dans son livre de Lyon, de l'Institut Lumière et du célèbre Festival Lumière. En tant que lyonnais, vivant non loin de la maison historique des Frères Lumière, j'ai forcément pris beaucoup de plaisir à lire les passages consacrés à la cité des Gaules. Lyon est presque un personnage à part entière du livre. Encore mieux que n'importe quel guide distribué à l'Office de Tourisme de la place Bellecour.

Un très bon livre, malgré deux déceptions

Cette Sélection officielle est donc une excellente lecture pour l'été, mais aussi pour le printemps (je l'ai lu au mois de mai), l'automne ou l'hiver. Il convient surtout d'être amateur de cinéma, voir cinéphile accompli, pour vraiment apprécier. Si votre amour du 7ème art se résume à aller voir les comédies françaises de Christian Clavier et les films d'action de Vin Diesel, je ne suis pas sûr qu'il vous faille dépenser 25€ pour acquérir ce pavé littéraire. Moi j'ai dévoré ce livre, très bien écrit, d'autant plus que la structure du journal permet de lire de manière épisodique, sur la plage comme dans son lit avant de dormir.

Si je devais formuler deux déceptions... Ce serait d'abord le côté Michel Drucker du récit. On a le sentiment que tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Apparemment, certains jouent les divas en disant « C'est la Sélection officielle ou rien ! ». Mais qui ??? On ne le saura pas. A part un léger coup de griffe, dans un court passage, contre Emir Kusturica, Thierry Frémaux ne critique personne, comme s'il fallait ménager les susceptibilités en vue de futures programmations ou invitations.

Bonne lecture pour l'été : Sélection officielle, le journal de Thierry Frémaux

C'est un amoureux du cinéma, de tous les cinémas. Il sait être pointu, sans pour autant être excluant. Là où les journalistes et blogueurs distribuent les bons et les mauvais points, lui considère chaque film. Il se refuse de dire qu'une œuvre est mauvaise ou ratée, et il l'explique très bien dans le livre, car il sait l'engagement et le temps que nécessite la création d'un long-métrage. Globalement, ça manque de bitch ! Surtout qu'il doit en avoir des dossiers le Thierry... Frustrant !

L'autre déception, c'est la fin. ATTENTION SPOILER. S'il y a bien un endroit dans lequel je voulais que Thierry Frémaux m'emmène, c'est dans le secret du jury de Cannes pour savoir comment s'établit le palmarès. Vote à main levée ? Coup de poing dans la gueule ? Vaisselle cassée ? Chantage ? Malheureusement, ce mystère restera entier. L'auteur, comme le lui autorise sa liberté, sélectionne officiellement les choses qu'il veut nous raconte dans cette Sélection officielle. Tant pis pour ma curiosité.

Crédits photos

1 : © Romain Duchez - Mon cahier du cinéma à moi

2 : © Valery Hache - AFP

3 : © FDC - Festival de Cannes

4 : © Romain Duchez - Mon cahier du cinéma à moi

5 : © Romain Duchez - Mon cahier du cinéma à moi

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