Ce qui nous lie ✔✔✔

DRAME / De Cédric Klapisch (France). Avec Pio Marmaï et Ana Girardot.

L'HISTOIRE / Jean, Juliette et Jérémie. On pourrait les surnommer les 3J s'ils travaillaient aux Galeries Lafayette. Sauf que là, ils œuvrent sur le domaine viticole de leur père. Juliette est très investie dans la gestion de l'entreprise. Jérémie est un œnologue du dimanche. Et Jean débarque, après avoir passé 10 ans à l'étranger. Que vont-ils faire du domaine ? Vont-ils réussir à s'entendre ? Qui finira la soirée de fin des vendanges bourré ? Toutes ces questions trouvent réponse dans ce joli film de Klapisch.

Ce film est comme un grand vin. On commence par observer son aspect extérieur, sa couleur. Ou plutôt ses couleurs, car elles sont multiples. L'image est magnifique. Le tournage s'est étalé sur une année entière, ce qui a permis à Cédric Klapisch de prendre le temps de filmer les vignes à toutes les saisons. En voyant ce film, on a le sentiment de vivre au rythme de la nature. Il faut du temps pour faire du bon vin et du bon cinéma. Les œnologues et les cinéastes même combat, ce sont des esthètes.

Après l'observation, place à la dégustation. La première impression ressentie par le palais, c'est une émotion profonde. Ces trois frères et sœurs sont touchants. Ils s'entraident, parfois se disputent, mais ils s'aiment. Tiraillés entre la terre de leur naissance qui les retient et l'envie de s'émanciper pour vivre la vie qu'ils ont choisie, ils doivent prendre une décision cruciale : que faire de ce domaine légué par leur père ? Ces terres, ces vignes et ces murs portent un peu de leur âme. Belle réflexion sur l'héritage et, au-delà, la transmission.

Une fois le vin absorbé, subsiste un arrière-goût militant. Sous ses airs de film régional sponsorisé par la Bourgogne, Ce qui nous lie est un manifeste écologique. On comprend qu'il faut écouter cette nature qui nous entoure. Ce n'est pas à l'homme de décréter la date de début des vendanges, c'est à la vigne de signifier par la maturité du raisin qu'elle est prête à être vendangée. Quant au voisin désagréable qui n'arrête pas d'empiéter sur la terre des héros du film, il est sévèrement montré du doigt quand il répand des produits chimiques anti-mildiou. Ce qui nous lie pourrait être labellisé bio. Enfin, le vin des héros doit bien avoir des sulfites mais l'histoire ne le dit pas !

Un coup d'œil sur l'étiquette de la bouteille. La composition du film - enfin le casting -  est digne des meilleures AOC. Klapisch à la caméra, cela reste une valeur sûre. On le pensait cantonné aux films très parisiens, il surprend par sa capacité à sublimer ainsi la province (enfin la région comme on dit pour ne pas être méprisant). Le talent des trois acteurs principaux participent à l'équilibre des saveurs. Pio Marmaï, tantôt rieur tantôt ravagé, est très émouvant dans le rapport qu'il entretient avec son propre fils, tenant de ne pas reproduire le schéma de son paternel. Ana Girardot et François Civil sont moins connus que le beau Pio, mais pas moins goûtus. Ces deux jeunes mûrissent et s'épanouissent devant la caméra, ils nous bouleversent et nous cueillent.

Et lorsqu'on déguste du bon vin, il est d'usage d'écouter de la bonne musique. La chanson titre interprétée par Camelia Jordana convient parfaitement. Lancinante, elle est comme une caresse. Mais une caresse qui dure. La mélodie s'accroche à mes tympans comme le vin de qualité a tendance à s'accrocher aux parois du verre dans lequel il est servi. Attention si vous écoutez cette chanson, elle ne va plus vous quitter. A la vôtre !

CREDITS PHOTOS / 1 : © Studiocanal - Ce Qui Me Meut / 2 : © Emmanuelle Jacobson-Roques - Ce Qui Me Meut / 3 : © Emmanuelle Jacobson-Roques - Ce Qui Me Meut.