J'ai tourné dans un remake

C'est mon premier rôle au cinéma. Peut-être le dernier. Je joue un mec qui sort d'une usine, puis qui tourne à gauche, enfin à droite si on se met à la place du spectateur. Pas de quoi décrocher le César du Meilleur espoir masculin. Ni même celui du Meilleur douzième rôle.

On est 3000 à participer au même tournage en ce 19 mars 2015. Tout pile 120 ans après la "Sortie d'usine" réalisée par les Frères Lumière, l'Institut Lumière à Lyon propose au public de rejouer ce film, considéré comme le premier de l'histoire du cinéma, au même endroit et dans les mêmes conditions. Les tournages se succèdent tout au long de la journée. J'ai réservé ma place pour la séance de 14h (ça c'est de l'info utile).

Tout commence par un petit coaching, à l'intérieur de l'Institut Lumière. Tels des comédiens en plein Actor's studio, on nous projette la "Sortie d'usine" originelle des Frères Lumière pour nous imprégner de l'ambiance. Ils étaient drôlement bien habillés pour des ouvriers. On n'est beaucoup moins classe en 2015 avec nos jean's délavés et nos vestes Quechua.

La feuille de route est légèrement moins compliquée qu'un scénario de Lars Von Trier. Marcher tout droit en adoptant une attitude naturelle puis tourner à droite ou à gauche selon l'inspiration. Un acteur AB Production pourrait le faire. Pas besoin d'être sorti de St-Cyr ou du Cours Florent. Il faut quand même "qu'il se passe quelque chose à l'écran". L'assistant réal nous délivre ses dernières consignes au mégaphone. Attention, ça tourne ! Et voici le résultat...

Alors, vous m'avez vu ?? Regardez bien. J'apparais au début, au quatrième rang environ sur la droite. On distingue aisément mon crâne lisse. Je suis en pleine immersion journalistique, reporter pigiste pour une radio qui aime les valises et les grosses têtes. Ce n'est donc pas une glace vanille que je brandis à la main, mais un micro. L'un des participants à la fin vient me voir : "Waouh mais c'est génial d'avoir ressortir un magnéto d'époque !". Euh, non, c'est bien un enregistreur actuel et je suis en plein travail... Petit moment de solitude.

Les règles de tournage de l'époque sont respectées. L'image est en noir et blanc (ça permet de ne pas s'éblouir avec les jupes fushia et autres ponchos multicolores). Pas de dialogue (j'avais rien à dire, ça tombe bien). Et la durée n'excède pas les 50 secondes (à l'époque, la longueur restreinte de la pellicule ne permettait pas de tourner plus).

Après ce tournage, l'Institut Lumière remet à chacun des figurants un certificat d'honneur. Non, je n'ai pas rajouté ma silhouette avec un logiciel informatique. J'ai bien participé à ce remake. Mon diplôme signé par Bertrand Tavernier et Thierry Frémaux en atteste. Et si je le rajoutais sur mon CV ?!

Dans les coulisses du tournage... © Diaporama - Romain Duchez